« La Vigilance » : premier avion de brousse de l’Ontario

Voici une histoire à propos de la détection de sous-marins ennemis, de feux de forêt qui ont fait surgir des colonnes de fumée noire à l’horizon et d’un écrasement d’avion qui remonte aux balbutiements de l’aviation en Ontario. 

Montez à bord et envolez-vous!

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Le parc provincial René-Brunelle et le sentier La Vigilance

Le parc provincial René-Brunelle se trouve sur la rive est du lac Remi, dans le nord-est de l’Ontario, près de la ville de Moonbeam.

Le lac Remi est un grand lac. Il fait plus de 8 km de long et plus de 5 km de large.

C’est habituellement le point de convergence des campeurs et des visiteurs de jour du parc. La navigation de plaisance et la pêche sur le lac sont des activités prisées, tout comme la découverte des plages du parc, comme celle de Phipps Point.

Ce n’est qu’une fois que les visiteurs parcourent l’un des sentiers qu’ils apprennent que le lac Remi a été un point névralgique à l’échelle nationale pour la lutte contre les feux de forêt et l’exploitation des avions de brousse il y a plus de cent ans. Si vous empruntez le sentier La Vigilance près de Phipps Point, vous découvrirez un joli parcours pittoresque et en apprendrez sur le rôle du lac Remi dans l’histoire de la lutte contre les feux de forêt. Des panneaux d’interprétation le long du sentier racontent l’histoire des hydravions et leur rôle dans les débuts de la prévention des feux de forêt.

Un randonneur sur le sentier La Vigilance qui regarde l’île Airplane au loin

L’île Airplane, visible depuis le sentier, se trouve au milieu du lac Remi et servait de base d’hydravions dans les années 1920.

Le premier hydravion basé sur le lac Remi était un Curtiss HS-2L baptisé La Vigilance, et  avait pour mission de surveiller et de repérer la fumée et les feux de forêt potentiels dans le vaste paysage verdoyant.

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Chasseurs de sous-marins

Les Curtiss HS-2L sont des hydravions conçus pendant la Première Guerre mondiale en tant que chasseurs de sous-marins.

L’appareil volait le long de la côte, à la recherche de sous-marins allemands sous la surface et larguait des bombes sur eux.

Une dizaine de ces avions maritimes ont finalement été basés en Nouvelle-Écosse peu avant la fin de la guerre. Leur travail consistait à protéger le port vital d’Halifax et les convois de navires qui s’y rassemblaient en vue de la périlleuse traversée de l’Atlantique.

Un Curtiss HS-2L patrouille la côte nord-américaine de l’océan Atlantique à la recherche de sous-marins en 1918. Archives d’Ingenium, Collection de photographies du Musée canadien de l’aviation, CAVM-19437

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Une première pour le Canada

Ces avions ont réalisé de nombreuses premières au pays, notamment le premier service aéropostal aérien et la première liaison aérienne régulière au Canada. 

Ils sont aussi les premiers avions de brousse du pays.

En 1919, l’usine de pâtes et papiers Laurentide, rebaptisée Laurentide Air Service en 1921, acquiert deux hydravions à coque pour mener des missions forestières dans le nord du Québec.

Ces aéronefs ont effectué les premiers inventaires forestiers aériens et surveillé les feux de forêt, dont le premier a été repéré en 1919, prouvant ainsi leur utilité pour l’industrie forestière canadienne.

Plus tôt cette même année, l’un des avions, qui était immatriculé G-CAAC, a volé de la Nouvelle-Écosse jusqu’au Québec, le plus long vol de l’histoire du Canada à cette époque. Il était piloté par Stuart Graham, accompagné de sa femme, Madge, première femme au Canada à effectuer un vol long-courrier.

Cet appareil a été surnommé La Vigilance.

Le Curtiss HS-2L La Vigilance à la base de l’île Airplane sur le lac Remi, en 1922. Archives d’Ingenium, Fonds Ken Molson, KM-03775

La Vigilance et d’autres HS-2L ont joué un rôle essentiel dans le développement du Nord canadien. Même après la Première Guerre mondiale, les régions nordiques étaient peu peuplées et disposaient de peu d’infrastructures.

Il n’y avait pas de pistes, mais beaucoup de lacs, et ces types d’avions ont été conçus pour se poser et décoller sur l’eau. Il fallait des aptitudes spéciales et une profonde détermination pour se mesurer au climat nordique rigoureux.

Heureusement, les Canadiens sont revenus de la Première Guerre mondiale avec les aptitudes nécessaires à de telles tâches. Grâce à ces aptitudes, les pilotes et leurs avions de brousse pouvaient accéder aux endroits non accessibles par la route et les chemins de fer. Ils sont devenus alors indispensables pour les communications, l’industrie, le transport, la photographie aérienne, la cartographie et la lutte contre les feux de forêt dans le Nord.

Soudainement, les gens pouvaient accéder aux coins reculés comme jamais auparavant grâce à ces avions.

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Un vol fatidique

La Vigilance était posté au lac Remi sur l’île Airplane dans les années 1920. Au cours d’une mission de routine le 2 septembre 1922, le temps s’est gâté et l’aéronef a dû amerrir sur un petit lac.

Sachant que le décollage depuis un si petit lac serait difficile, le pilote Don Foss et l’ingénieur Jack Caldwell ont déchargé le plus de cargaisons possible. Au décollage, le pilote a ajusté sa trajectoire, mais une aile a heurté la surface du lac, ce qui a déstabilisé l’avion et a causé son crash.

Les deux hommes ont survécu et ont parcouru 20 km dans la brousse avant de trouver de l’aide.

Une mission de récupération durant l’hiver a permis de récupérer le moteur de l’avion, mais le reste de l’appareil, trop endommagé, est resté au fond du lac. Il y est demeuré pendant plus de quarante ans.

L’épave de La Vigilance dans le lac Foss après son écrasement en septembre 1922. Archives d’Ingenium, Collection de photographies du Musée canadien de l’aviation, CAVM-13051

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Sauvetage et restauration

Robert Bradford, conservateur du Musée national de l’aviation à Ottawa, a pris connaissance de La Vigilance et de son importance pour l’histoire de l’aviation au Canada. Déterminé, il a entrepris de récupérer l’avion.

En 1967 et 1968, l’avion a été sorti du lac, maintenant appelé lac Foss, en l’honneur de Don Foss, pilote de La Vigilance. Il a été transporté minutieusement, pièce par pièce, au Musée pour sa préservation et sa restauration.

À l’aide de pièces provenant d’autres Curtiss HS-2L, l’hydravion La Vigilance a été reconstruit sans hâte dans les années 1970 et 1980. Trop endommagée pour être utilisée dans la restauration, la coque d’origine a été préservée séparément et se trouve maintenant à côté de ce qui est considéré comme le seul Curtiss HS-2L complet au monde : La Vigilance.

Membres de l’équipe de fouilles tenant une section de la coque de La Vigilance avec les lettres d’appel de l’avion sur le côté – G‑CAAC. « Sauvetage du HS-2L de Curtiss : Récupérer un morceau d’histoire du fond d’un lac », par Leslie Hutchinson, Ingenium

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Une place dans l’histoire du Canada

En tant que premier avion de brousse au pays, et l’un des nombreux appareils d’une longue lignée d’avions importants, il mérite sa place dans l’histoire du Canada.

L’hydravion La Vigilance est exposé, avec ses instruments, sa trousse d’aviation originale et d’autres artéfacts, au Musée national de l’aviation d’Ottawa.

La Vigilance restauré au Musée de l’aviation et de l’espace du Canada à Ottawa. Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, Curtiss HS-2L, La Vigilance

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Le parc provincial René Brunelle est un joyau du Nord qui se trouve juste au nord de la route 11, près de Moonbeam et de Kapuskasing.

Il fait partie de l’itinéraire routier boréal de Parcs Ontario, qui relie plusieurs parcs du nord de la province pour une escapade routière inoubliable dans la région. 

La Vigilance, premier avion de brousse au Canada, est l’un des 130 aéronefs et artéfacts du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada situé à Ottawa, en Ontario.

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